Île de la Réunion

— Prendre le temps, accepter l’imparfait

Jetée de Saint-Gilles-les-Bains par forte houle - Nikonos V + Kodak Portra 400

Ce voyage à l’Île de la Réunion a été une pause.Une pause nécessaire, mais aussi un moment charnière dans mon rapport à la photographie.

Pour la troisième fois, je revenais sur cette île que je connaissais déjà. Et pourtant, j’avais le sentiment de la redécouvrir.

Plage de Saint-Gilles Roches Noires / Hasselblad 500 cm + Instax Square

Non pas parce qu’elle avait changé, mais parce que mon regard, lui, avait évolué. J’assumais désormais des choix photographiques différents, plus lents, plus contraignants parfois, mais profondément alignés avec ce que je cherchais.


Pour la première fois, je voyageais avec un Hasselblad 500 CM. Tout était nouveau : le chargement des films, le rythme imposé par les douze vues, la visée poitrine, le cadrage inversé. Cette manière de photographier demandait du temps, de l’attention, et surtout une forme d’acceptation. Chaque image prenait du poids, non pas par sa rareté, mais par l’intention qu’elle exigeait.

Routes des Tamarins - Hasselblad 500 cm + Instax back


Cette lenteur, je l’ai appréciée.

Mais j’ai aussi appris à renoncer. Par mauvais temps, sous la pluie ou face aux embruns, j’ai parfois laissé l’appareil dans le sac. Accepter de ne pas photographier faisait partie du voyage. Tout ne devait pas devenir image.

Coucher de soleil plage de Saint-Leu - Hasselblad 500 cm + Instax back


À l’opposé, sous l’eau, avec le Nikonos V, j’ai ressenti une forme de liberté immédiate.

Savoir que l’appareil ne risquait rien changeait tout. Je pouvais me concentrer uniquement sur le geste, la respiration, la lumière, le mouvement. Le snorkeling et la slow photography vont étonnamment bien ensemble : être suspendue dans l’eau, observer, attendre, déclencher sans urgence. Sous la surface, le temps semble se dilater, et la photographie devient presque instinctive.

Poissons dans le lagon de L’Hermitage-les-Bains / Nikonos V "+ Kodak Portra 400

Cette sensation était très différente de la photographie “à terre”, mais tout aussi contemplative.

Dans les forêts primaires, la brume ajoutait une dimension irréelle aux paysages. À Salazie, à Hell-Bourg, à Takamaka, l’humidité, la végétation dense, les silences ponctués par l’eau composaient des ambiances qui invitaient à ralentir encore. Au Maïdo, face à Mafate, le regard s’ouvrait sans chercher à capturer l’immensité. Au Piton de la Fournaise, c’est le contraire : une présence brute, minérale, presque intimidante.

Forêt entre le Maïdo et Tévelave / Hasselblad 500 cm + Instax Square


Je n’ai pas cherché les grandes randonnées ni l’exhaustivité.

Il y a eu des sorties en famille, des lieux traversés sans objectif précis, des moments simples. La cascade Langevin, le Souffleur, le lagon, la végétation omniprésente. Photographier devenait une conséquence du moment vécu, et non une finalité.

Fougère / Hasselblad 500 cm + Instax Square


Ce troisième voyage à la Réunion marque pour moi une forme d’acceptation.

Accepter mes choix photographiques. Accepter la lenteur. Accepter aussi l’imperfection, les images non prises, les occasions manquées. Être pleinement présente, même lorsque le résultat semble incomplet ou imparfait.

La savane de Saint-Paul / Hasselblad 500 cm + Instax Square

Prendre le temps change profondément la manière de regarder.

Et parfois, c’est tout ce dont j’avais besoin.

Cap Méchant / Hasselblad 500 cm + Instax Square

Avec l’argentique, le plaisir ne s’arrête pas au moment de la prise de vue. Il se prolonge, naturellement.

Après le déclenchement vient l’attente. Celle de la planche-contact, reçue du laboratoire, où les images réapparaissent, parfois légèrement différentes de ce que j’avais en mémoire.

Puis vient le temps de la numérisation. Un temps calme, image après image. Ajuster avec retenue, respecter le rendu du film, rester fidèle à l’intention du moment.

Ce n’est qu’à la toute fin que les photographies sont partagées. Comme l’aboutissement d’un processus lent, où le temps fait pleinement partie de l’image.

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