Slow photography
J’ai commencé la photographie simplement pour garder une trace de mes voyages. À l’époque (au siècle dernier!), chaque pellicule comptait : on faisait attention à la lumière, au cadrage, à la rareté du geste.
Puis est arrivée la photo numérique. J’y ai trouvé un formidable terrain d’expérimentation — la liberté d’essayer, de recommencer, de tester sans fin. Comme beaucoup, j’ai suivi cette évolution technique, appareil après appareil.
Mais cet été, quelque chose a changé. Ou plutôt, quelque chose s’est calmé. J’ai ressenti le besoin de retrouver un autre rythme, une autre manière de photographier. J’ai ressorti mes appareils analogiques, fait l’achat de quelques nouveautés, redécouvert le film, et avec lui cette attente, cette part d’incertitude, cette lenteur qui m’avait manquée.
C’est ainsi que je suis revenue à une approche plus consciente : la slow photography. Photographier moins, mais mieux regarder. Ne pas chercher à contrôler, mais à ressentir. Accepter l’imperfection, la lumière telle qu’elle est, le moment tel qu’il se présente.
La photographie analogique et instantanée me ramène à l’essentiel : la matière, le temps, la présence. Chaque image existe physiquement, indépendamment de l’écran. Elle devient une trace, pas un flux.
Photographier lentement, ce n’est pas revenir en arrière. C’est simplement retrouver un équilibre : celui entre la technique et le regard, entre la vitesse du monde et le temps de la lumière.
Leica M6 + Ilford HP5
Manifeste pour une photographie consciente
Nous vivons une époque où tout est enregistré, mais presque rien n’est regardé. Les serveurs du monde entier saturent d’images : millions de clichés stockés, dupliqués, oubliés. Des instants capturés sans attention, souvent destinés à disparaître dans le flux avant même d’être vus. Cette abondance a fait perdre à l’image sa valeur, son silence, sa rareté.
La slow photography naît d’un besoin de ralentir. De retrouver le poids du geste et le sens du moment. De photographier pour comprendre, et non pour prouver.
Choisir un appareil analogique ou instantané, c’est accepter la contrainte : un nombre limité de vues, une attente, un risque. C’est aussi un acte écologique, presque spirituel : produire moins d’images, mais leur donner du sens. L’empreinte de la lumière sur un film ne pèse rien sur un serveur. Et pourtant, elle existe vraiment — ici, maintenant, dans la main, sur papier, dans la mémoire.
A Slow Vision, c’est voir autrement. C’est redonner du temps au regard, de la valeur à la trace, de la profondeur au visible. C’est photographier sans urgence, sans la tentation du partage immédiat. Regarder avant de cadrer, écouter avant de déclencher.
Ce n’est pas un refus du progrès. C’est une invitation à choisir la lenteur comme résistance, comme acte d’attention dans un monde de distraction.
« Revenir à la lenteur, ce n’est pas renoncer à la modernité. C’est simplement refuser d’oublier pourquoi on photographie. »